Participants : Mathéo, Maxime, Isa, Johanna (Furets Jaunes)
Sonnette : Mathieu (Troglos). Harry (ASPA) en back up local également.
Mathéo en permission durant deux jours, il fallait marquer le coup pour lui rappeler qu’une vie existe encore en dehors de ses chants militaires ! Le weekend du 11-12 novembre était donc initialement prévu pour une sortie dans les moulins en mer de glace (Chamonix). Comme la météo était incertaine ces dernières semaines, plusieurs plans alternatifs étaient en place, au cas où. Assez rapidement, la neige tombée la semaine précédente nous a convaincu que nous ne pourrions pas évoluer en sécurité sur le glacier. Nous passons à notre plan B : canyon du Diable et vallon des Étages. Mais là aussi, le retour de la pluie en Oisans, en début de semaine, nous fait finalement renoncer au projet. Tant pis ! (De nouvelles dates sont déjà prévues en décembre, janvier et février, pour continuer à y croire) On part donc sur le plan C. Départ pour le plateau d’Albion (seul endroit en France où il fait heureusement beau ce weekend) dans l’objectif de réaliser la traversée Julien à Souffleur.
On prend les infos du côté d’Harry (ASPA) qui nous informe d’escalades exploratoires et (grosses) purges dans le Puits de l’Astrolabe, ayant pu altérer sévèrement l’équipement en place. En dehors de ce point, les voyants sont au vert : météo OK, forme de tout le monde OK, organisation logistique OK. On modifie donc notre projet (Plan C, option B) et nous décidons une traversée de l’Aven Souffleur à vers l’Aven Julien, afin de vérifier l’équipement en place à la descente et effectuer les rééquipements si nécessaires. On se met d’accord avec Harry sur le matériel à utiliser, sur les éventuelles sections concernées. Maxime et moi ayant réalisé une bonne partie du Julien peu de temps auparavant, le cheminement est plutôt clair. Idem pour le Souffleur, réalisé en 2022 avec Mathéo. L’inconnu réside dans la jonction, depuis l’Abée (siphon traitre) jusqu’au pied du puits du Julien (P55 en dessous de la trémie -636). Sur la coupe, le terme de « boyau anal » décrivant cette partie laisse légèrement songeur. Cette jonction prend 4h à réaliser d’après Harry.
Nous arrivons le vendredi soir, assez tard, le temps de récupérer Mathéo à Vienne (clairement, on dirait un animal libéré de cage, ça fait peur), et Johanna à Valence. On dort dans le secteur de Saint Christol, tels de joyeux « pue la pisse » dixit Mathéo (merci pour la poésie !). Réveil à 7h, au soleil afin de préparer l’équipement, faire un dernier point avec Harry et aller ouvrir le Julien. Mathéo et moi, on file ouvrir la trappe et laisser des affaires chaudes pour la sortie (car nous rentrerons à pied), tandis que Maxime et Johanna prennent le café au soleil les dernières infos précieuses. On se rejoint finalement à 9h30 et nous nous équipons avant de filer au Souffleur à pied. On croise, à l’entrée, les 3 spéléos en explo dans ce fameux Puits de l’Astrolabe. Ils ont vérifié l’équipement la semaine précédente et rééquipé ce qui devait l’être. Ils nous informent uniquement d’une corde tonchée dans l’un des derniers puits avant le méandre de l’Ankou (P35). On se met d’accord et nous convenons que nous rééquiperons cette section, avant de filer vers la rivière tandis qu’ils bifurqueront dans leurs escalades. Après avoir transmis les dernières informations à notre super sonnette (notamment un TPST prévisionnel de 20h). On entre sous terre à 10h15, avec 15 min de retard sur le planning.
Évidemment, nous faisons les sangliers quelques minutes (on aime quand même bien ça), au niveau du méandre des Absents, avant de nous rappeler « qu’il faut bifurquer dans le trou à gauche au niveau de la sangle/pédale LGBT (ne pas voir de jeu de mots foireux, merci) ». On est clairement contents d’avoir déjà fait ce trou.
Johanna et moi on se colle à l’équipement à deux dans le P35. On fait offrande d’une belle dyneema pour remplacer une sangle sévèrement amochée à un fractionnement. On met quand même 45 minutes pour ce rééquipement, à nous agiter sur des maillons récalcitrants. Au méandre de l’Ankou, on laisse passer l’autre équipe le temps de faire un point à 4 sur notre timing, les options de demi-tour si cela était nécessaire (l’équipe explo étant en cours de purge durant la journée, il était nécessaire de convenir avec eux d’un signal pour avertir de notre présence : nous utiliserons un sifflet). En voyant l’eau déjà bien présente dans les premiers puits, nous avons une interrogation sur le niveau d’eau dans la rivière ainsi que sur les chutes de pierres possibles durant notre parcours. On se réserve le droit de renoncer au pied de l’André Gendre.
C’est parti pour le méandre de l’Ankou. Je passe devant, je le connais (il est important de suivre ici les points blancs, présents tous les 2-3m, afin de se toujours se situer à bonne hauteur), suivi par Mathéo qui me chante beugle des horribles chants de guerre entrecoupés de comptines « un éléphant qui se balançait ». C’est ambiance dans ce foutu méandre. On attend régulièrement Maxime et Johanna qui, comme d’habitude, cherchent à se mettre le plus à poil possible sous terre (c’est vraiment exaspérant, je ne ferai jamais de sortie spéléo sans voir les tétons de Max). Il convient de continuer en face, devant une première corde descendante (attention, à ne pas prendre, danger). On arrive finalement au bout (un dessin warning en blanc prévient de l’arrivée) et on attaque les grands puits.
Nous rejoignons à nouveau l’équipe explo qui est en train de se déporter sur une ligne à l’opposé du puits pour entamer leurs explos de la journée. C’est absolument magnifique de voir ces grands volumes éclairés de toute part. C’est parti pour la succession infinie de fractionnements sur 400m de puits. J’examine les cordes et l’équipement, tourne d’un quart de tour les dyneema en place pour prolonger leur durée de vie… et recommence sur la portion suivante. Alors que nous descendons, Johanna et Maxime voient chuter l’équivalent d’une armoire à l’autre bout du puits (loin de notre ligne), ambiance! Les derniers fractionnements sont arrosés d’une pluie bien désagréable. Nous découvrons un putain de passage de nœud, à réaliser sous une bonne douche de merde. Ça motive à être efficace mais on y va quand même chacun de nos noms d’oiseaux pour ponctuer la manip. On arrive finalement en bas après 4h de descente.
On fait le point tous ensemble. Tout le monde est en forme. Le timing est largement rattrapé. On décide donc d’aller vérifier la rivière. Le débit est non négligeable mais praticable. On se lance. Je me déshabille (pour garder des vêtements relativement secs à la remontée) et on file comme une joyeuse troupe sous la voute mouillante. C’est froid ! Évidemment, le « on se mouille jusqu’à la taille » est ajusté en « Isa met presque la tête sous l’eau ». Maintenant qu’on est trempés, il s’agit de ne plus trainer. On avance à bon rythme, chantant et criant pour nous réchauffer. Là, pas de difficulté de parcours, il suffit de suivre la rivière vers l’aval. On arrive finalement à l’Abée. On prend garde à bien tenir notre rive droite, pour ne pas risquer de se faire prendre par le siphon. Le niveau est bien plus haut que la fois précédente car le siphon est cette fois-ci invisible (il n’était pas totalement amorcé en 2022 avec Mathéo et Luc). Mais il n’y a pas de « vortex » comme dit Harry.
Johanna guenille dans la pente de boue (personne ne nous a indiqué qu’il fallait prendre crampons et piolets pour cette section…). Pour tromper l’attente et surtout le froid, on se prend en photo avec Max, en prévision du calendrier des dieux du SCV, annoncé par Emmeline. Ici, il est nécessaire je pense de ne pas être trop nombreux, car l’attente se fait soit dans l’eau, soit sur des monopoints pourris qu’on n’a pas tellement envie de solliciter à plusieurs. Si l’équipe est conséquente, il serait intéressant de mettre de la distance dans la rivière, entre les spéléos, pour limiter l’attente dans l’eau. La pente de boue est impitoyable. On se traine, on dérape, on glisse. C’est la misère. On arrive trempés et dégueu en haut. Or, c’est bien loin d’être fini. Nous approchons du boyau anal et effectivement, on comprend rapidement la teneur du propos. Festival de boue et bain d’argile sont au programme. Johanna nous fait l’honneur d’une danse sensuelle très intrigante tandis que Mathéo décide de me tartiner d’argile. On est si beaux que nos bloqueurs font grève… C’est un vrai combat de se sortir de ce merdier (terme parfaitement adapté pour l’occasion). L’équipement est vraiment très sommaire, vieux, glissant, voire en état de délabrement avancé. Ici, il n’y a pas de difficulté d’orientation. Il suffit de suivre les cordes ou le plus évident.
On arrive finalement à la jonction avec le Julien, dans un beau courant d’air froid. Le puits (P55) est immense et il s’agit… de le descendre intégralement pour le remonter de l’autre coté, ce que nous ferons en rêvant d’un équipement « Tarzan » qui nous aurait permis de rejoindre directement la remontée à l’opposé. On aperçoit la suite vers le fond (qu’on fera une prochaine fois parce que ce siphon fait vraiment beaucoup rêver. Harry nous parle d’une sensation de vertige en arrivant devant ce siphon si profond). Nous voilà à -691m de profondeur dans l’Aven Julien. Johanna commence la remontée, suivie de Maxime puis de Mathéo. Ce puits parpine en continu et il s’agit de ne pas trainer. Nous arrivons très rapidement à la trémie à -636m, où nous étions arrivés la dernière fois avec Maël et Maxime. La remontée se passe sans encombre, en dehors des chutes de pierres qui agrémentent le parcours et me mettent plutôt terreur. La trémie supérieure est finalement bien moins engagée que le reste des grands puits sur ce plan-là. Tout est plutôt bien sécurisé, si tant est que l’on soit vigilant sur les portages de kits.
Nous arrivons finalement assez vite à la galerie du costard, ce qui nous permet de quitter l’ambiance humide durant quelques heures. On en profite pour admirer de nouveau les concrétions blanches, translucides et couleur ice-tea qui ponctuent le parcours. C’est très agréable de connaître la cavité et de ne pas hésiter à plusieurs points clefs. Cela nous permet de ne pas perdre de temps et de maintenir un rythme plutôt fluide. On fait peu de pauses, tout au long de la sortie, préférant, comme à notre habitude, manger régulièrement de petites quantités en continu en attendant aux fractionnements. On ne fera qu’une vraie pause « soupe chaude et café » au début de la nuit. Les derniers puits sont un peu arrosés. De la pluie était prévue dans la nuit et nous en sentons les effets. C’est assez désagréable de se mouiller de nouveau à si peu de temps de l’extérieur.
Nous ressortons finalement entre 2h30 et 3h du matin, dans le froid, la pluie et la joie. Le chemin de retour se fait à pied. Il nous faudra environ 15-20min (facile, en descente, plutôt direct). Après un bon repas couscous-pesto cuisiné par Mathéo et dévoré à 4, collés dans mon camion, on s’endort finalement pour 3 petites heures. Mathéo et Maxime ne montent pas leur tente (trop froid, trop mouillé) et dorment de manière très créative dans le camion avec nous. Le lendemain matin, café en terrasse au soleil et debrief avec Harry. Nous rentrons sur Lyon dans l’après-midi, en rêvant déjà de notre prochaine sortie.
TPST : 16h.
Débrief
- La traversée Julien à Souffleur est très certainement bien plus aisée et rapide. La remontée dans le Souffleur est rapide, dès lors qu’on est efficace en passages de fractionnement. Il faut être très vigilant dans le méandre de l’Ankou pour ne pas louper la sortie (il y a une grosse croix noire et un morceau de bois pour barrer le passage, si on est bien resté à la bonne hauteur, en suivant les points blancs). Elle doit être moins esthétique car on doit avoir moins le temps d’admirer la beauté du Julien en essayant de tenir le timing. L’avantage de ce sens est de pouvoir se rincer dans la rivière après le passage dans le boyau anal.
- La traversée Souffleur à Julien est certainement plus jolie car on prend le temps d’admirer les concrétions dans la galerie du costard. Il est difficile de se nettoyer durant les premières longueurs et les bloqueurs ont un peu de mal à accrocher. Il y a de l’eau qui coule au niveau de la trémie -636m et encore un petit peu au-dessus. Il est nécessaire d’être en équipe restreinte pour éviter d’attendre dans l’eau la remontée fastidieuse dans la pente de boue, qui pourrait être vraiment traître. Ou alors, bien se distancer le long de la rivière.
Dans les deux cas, il faut penser à ouvrir le Julien (clefs à l’ASPA, auprès de Harry). Il faut également équiper le P20 d’entrée du Souffleur (en place ces jours-là, pour l’explo). Nous avons mis 4h à descendre, 3h à réaliser la jonction (rivière-p55) et enfin 9h à remonter. En termes de difficulté, j’ai trouvé ça un peu plus facile que le Berger, mais tout de même plus difficile que l’aller-retour à -600m dans le Souffleur. Mathéo a, au contraire, trouvé ça plus difficile. Toujours est-il qu’on est autour de ce niveau-là et que la sortie n’est vraiment pas à négliger. Il faut un vrai bon niveau technique pour ne pas cramer des réserves inutilement. On avait chacun un petit kit avec nos affaire personnelles pour être autonome, un point chaud collectif, un réchaud ainsi qu’une corde annexe de 30m.
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