Cette nouvelle journée de tournage au puits Skill était destinée, suite aux prises de vue réalisées en extérieur le 16 mars, à enregistrer des séquences dans la cavité, et notamment en relation avec des aspects géomorphologiques assez particuliers et remarquables, avec de petites interviewes pour expliquer ces phénomènes et plus largement replacer le tout dans le contexte des activités du SCV dans le vallon des Eparres depuis plus d’un demi-siècle.
Participants suite à l’appel lancé lors de la réunion du club, le mercredi 10 avril : Alain Gresse (Lionel), Jacques Lachise (Jack), Michel Philippe, Jacques Romestan (JR) et Sébastien Vivet (Seb).
Bérengère qui s’était également proposée n’a finalement pas pu se joindre au groupe.
Déroulement de la journée
Le rendez-vous avait été fixé à 7 heures 30 au local du SCV.
Tout le monde étant strictement à l’heure et Jack ayant préparé tout le matériel vidéo et d’équipement collectif la veille, nous chargeons sans tarder les deux véhicules et prenons la route dès 7 h 35.
Les deux véhicules arrivent en même temps sur place, à 9 h 10.
La neige ayant largement fondue depuis le 16 mars, nous pouvons sans problème accéder au parking du départ pour la montée vers le col de Bovinant. Ça fera toujours ça de gagner pour la marche d’approche.
Nous nous équipons sur le parking car ça soulagera la charge pour la montée, sans compter que les abords du puits Skill, très pentues et glissantes, ne se prêtent pas à ce genre de choses.
Après avoir bien vérifié ne rien avoir oublié, nous commençons la montée à 9 h 45 et arrivons devant l’entrée vers les 10 heures.
Connaissant maintenant bien les lieux, Seb équipe rapidement le puits et nous commençons la descente. Jack, descendu parmi les premiers, en profite pour filmer depuis le bas du puits celle de Lionel et de JR. Nous sommes tous au bas du P17 à 10 h 45.
Comme nous en avons discuté au cours de la marche d’approche, il est décidé d’aller directement jusqu’au Trou du Chiotte, ce qui permettra de voir au passage les différentes séquences à enregistrer et comment s’y prendre. Par contre, compte tenu des objectifs à atteindre pour le film, il est bien convenu qu’il est inutile d’aller au-delà de ce Trou du Chiotte, où nous arrivons à 11 h 30. Nous avons bien tous en tête la liste, proposée par Lionel, des points particuliers à filmer. On se met donc aussitôt au travail.
Le Trou du Chiotte
Les premières séquences sont tournées au Trou du Chiotte. Il convient bien évidemment de mettre en scène la vidange de la voûte mouillante, nécessaire pour aller plus loin (même si nous n’irons pas aujourd’hui). Cette mise en scène demande forcément explication, ce qui nécessite une petite interview de Lionel.
Il est bien sûr fait allusion au petit filet d’eau qui existe tout au fond de la cavité et qui fit l’objet, à l’époque, d’une coloration qui prouve la relation avec l’exsurgence de Noirfond.
Cette interview paraissait d’autant plus importante que, rappelons-le, la recherche de la circulation souterraine de l’eau dans le vallon des Eparres est, en quelque sorte, le fil conducteur de notre film.
Il est bientôt midi lorsque ces séquences et l’interview sont terminées et nos estomacs commencent à réclamer mais nous décidons d’aller à la station suivante, avant de casser la croûte, afin de prendre le temps, tout en mangeant, de voir comment s’organiser pour les séquences sur les « sapins d’argile » puis sur les varves et sur les trous de stillation qui sont dans le même secteur.
Les « sapins d’argile »
C’est tellement beau que nous prenons encore le temps de tourner cette séquence avant de manger.
Ce phénomène géomorphologique n’est pas fréquent dans les cavités et nous en profitons pour faire pas mal de prises de vue, sous divers angles et avec des éclairages différents. Nous souhaitons également qu’apparaisse dans le film, une fois monté, le fait que les 3 ou 4 zones à sapins d’argile existant dans les galeries du puits Skill ont été protégées par un balisage (qui mériterait certes d’être amélioré, sinon refait en totalité) dès les premières explorations, ce qui n’était pas encore vraiment dans les habitudes à cette époque !
Même si nous dissertons sur l’origine de ce type de formations, dû aux tout petits ravinements provoqués par les éclaboussures répétées des gouttes d’eau tombant de la voûte mais épargnant les endroits où de petits graviers ou écailles rocheuses se trouvaient sur le sol, un peu comme cela se produit, à grande échelle et en extérieur, pour les « cheminées des fées » , nous ne procédons pas à une interview sur place. Cela sera fait ultérieurement, sans doute en voix off.
Il est midi et demi et nous décidons tout de même d’avaler nos sandwiches avant de continuer !
Les varves
Il est à peine 13 h lorsque nous reprenons le travail. De nombreuses séquences de prises de vue sont enregistrées sur les varves mises au jour dans un recoin de la galerie où l’égouttement du plafond est particulièrement abondant. Il s’agit en fait d’un empilement de fines couches de sédiment déposées de façon régulière et correspondant à la succession de dépôts formés au fond de flaques d’eau en fonction de la turbidité. Ce type de phénomène, se formant le plus souvent lors de périodes glaciaires ou au fond de lacs, est déjà plus fréquemment rencontré dans les cavités, mais il est ici particulièrement bien conservé. On a en outre pu remarquer la présence de sapins d’argile formés en bordure de ces varves.
Là aussi, les explications seront données ultérieurement, en voix off.
Les trous de stillation
Sur le sommet de la butte au-bas de laquelle se développent les varves, les deux types les plus classiques de trous de stillation sont visibles. A noter que, s’ils ont été gardés intacts, c’est là aussi grâce à un balisage de protection mis en place lors des premières explorations du réseau. Sous ce nom quelque peu rébarbatif se cache en fait un phénomène géomorphologique relativement banal et souvent rencontré dans les parties argileuses des cavités. Il s’agit tout simplement de trous généralement coniques formés par les gouttes d’eau qui tombent toujours au même endroit depuis la voûte ou une stalactite. Ici, au puits Skill, à côté de tels trous de stillation coniques et parfois profonds d’une vingtaine de centimètres, se trouvent également de petites coupelles moins profondes et à rebords évasés au fond desquelles s’observe un creusement plus profond, là où tombent régulièrement les gouttes d’eau. D’intéressantes prises de vue sont faites là aussi, sans interview particulière.
Le temps passe et il est déjà 13 h 30 lorsque nous prenons les dispositions pour continuer le retour sans trop nous attarder car nous savons qu’il y a des passages longs à franchir avec tout notre matériel et que d’autres prises de vue nous attendent.
Aménagements pour faciliter le passage d’un redan
Le passage d’un important redan formé par une cascade stalagmitique est facilité par la mise en place de plusieurs barreaux métalliques. Il nous a semblé intéressant de filmer plusieurs passages de cet obstacle pour montrer le souci du SCV, dès les premières explorations, de procéder à de petits aménagements pour faciliter la circulation dans la cavité. En fait, ces prises de vue, de 13 h 50 à 14 h 20, n’ont pas vraiment fait perdre de temps puisque réalisées sans trépieds, avec stabilisateur.
Les fentes de retrait et les encroûtements ferrugineux
Une dizaine de minutes plus tard, juste après ce passage quelque peu délicat, nous faisons un nouvel arrêt pour enregistrer des prises de vue sur une belle surface argileuse, en dehors du passage ce qui explique certainement son bon état de conservation, présentant des fentes de retrait comme on n’en voit pas si fréquemment en grotte. En voyant, sur l’écran, cette surface balayée presque verticalement par la caméra, on se serait cru dans un paysage lunaire. Pas vrai, Jack ?!
Sans changer de place le trépied, juste sur la paroi opposée, d’importants placages ferrugineux sont visibles en hauteur en plusieurs points, notamment dans des cloches de dissolution et le long de fissures. Dans ce même secteur, plusieurs petits rhinolophes sont encore en hibernation. Tout ceci est filmé puisque, dans le scénario, les encroûtements ferrugineux seront à mettre en parallèle avec le gouffre à Maule et ses exploitations en tant que mines de fer par les Chartreux et car, d’autre part, le puits Skill fait désormais partie des principales cavités du massif de Chartreuse en tant que sites à hibernation pour les chiroptères.
Le courant d’air au sortir de la grande étroiture
Guère plus loin, vers 14 h 50, nous arrivons à la sortie de l’étroiture (dans le sens normal du cheminement, depuis l’entrée de la cavité vers le fond).
Comme il fait beau dehors, un fort courant d’air aspirant se fait sentir. Pour mettre en image ce phénomène tout à fait classique mais important à exploiter pour le film, Lionel avait tout prévu et il sort de son kit des brins de balise qui s’agitent nettement sous l’action du courant d’air. Une petite interview est enregistrée pour rappeler que c’est en suivant le moindre courant d’air que des désobstructions peuvent se révéler fructueuses, comme ce fut le cas ici, dans les années 1980.
D’autres séquences avec la sortie de cette étroiture par un spéléologue (Lionel à nouveau) sont également réalisées afin de montrer, dans le film, que la progression en milieu souterrain n’est pas toujours aisée.
L’entrée de l’étroiture et les traces de la « grande » désobstruction
Il est déjà 15 h 15 quand nous nous trouvons de l’autre côté de l’étroiture, autrement dit à l’endroit où le talus argileux de la galerie descendante qui fait suite au puits d’entrée de la cavité venait butter contre la voûte, fermant totalement la suite du réseau. C’est là qu’ont été rangés, de part et d’autre du cheminement et maintenus en place par des murs construits avec les cailloux rencontrés lors de la désobstruction, des dizaines de mètres cubes de sédiment.
Une interview de JR explique le travail de désobstruction ainsi accompli ici et qui a permis de poursuivre les explorations.
Là aussi, des séquences sont tournées avec un spéléo (Lionel encore, pour les éventuels raccords dans le film) qui s’enfile dans l’étroiture ou qui en sort. Tout ceci prend pas mal de temps car plusieurs essais sont faits, avec des éclairages différents, avec grosse caméra sur trépied ou petite caméra simplement avec stabilisateur. Mais nous tenons à avoir des résultats d’excellente qualité pour ce secteur particulièrement remarquable.
Les vagues d’érosion
C’est également devant cette entrée d’étroiture ouvrant le passage à un long ramping que se trouvent de belles surfaces, tant en parois qu’à la voûte, totalement travaillées par des vagues d’érosion. Il est bien connu que la circulation de l’eau, au fil du temps, a quelque peu corrodé les parois se trouvant sur son passage leur donnant un aspect particulier qui consiste en une succession de petites cupules irrégulières, comme si la paroi ou la voûte avaient été taillées à coups de gouge.
Ce qu’il y a de plus intéressant, c’est que la forme de ces cupules, plus évasées d’un côté que de l’autre, peut indiquer la direction du courant au moment de leur formation. Là encore, non seulement des prises de vue sont enregistrées, mais de petites interviewes sont faites par Lionel.
Vers la sortie
Ça fait bientôt une heure que nous sommes devant cette étroiture et, pour ne pas nous mettre trop en retard par rapport au timing prévu, nous remballons tout le matériel et reprenons la montée pour arriver au bas du P17.
Une remontée du puits est filmée (ça pourra toujours servir lors du montage du film). Quelques kits de matériel collectif sont remontés à la corde depuis la surface et chacun remonte à son rythme, mais sans problème particulier.
Nous sommes tous dehors à 17 h 05 et, sitôt le puits déséquipé, nous dégringolons le plus rapidement possible jusqu’au parking où nous arrivons à 17 h 15.
Nous n’avons jamais que ¾ d’heure de retard, mais sans traîner nous nous remettons en tenues civilisées et reprenons la route, globalement satisfaits du travail accompli tout au long de la journée.
Arrivés au local du SCV à 19 h 10, Seb qui a une réunion de famille et Michel qui doit rentrer dans sa campagne (encore 1 h 30 de route) quittent le reste de l’équipe qui commence à nettoyer le matériel et à dépoter les prises de vue.
Pour l’équipe de tournage du film – Michel PH.
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