Secours au gouffre Berger – 25 et 26-07-2019

CR collectif

Séb :

Minuit, je viens tout juste de rentrer chez moi après la soirée du club. Ma tête effleure l’oreiller et le téléphone sonne. En moins d’une seconde j’arrête la sonnerie, mais il resonne aussitôt, j’arrête encore mais il y a un message. Je l’écoute et c’est Bérengère qui me prévient qu’un secours est en cours et qu’il va falloir se bouger. Je rappelle, me voila en pré-alerte. Je ferme les yeux mais pas longtemps, il est 2h30 et je dois y aller.

Mission n°1 café, n°2 café, n°3 préparer mon sac avec du café. 4h00 je suis prêt et je décolle, direction Autrans. 6h15 j’arrive au PC (oui je roule doucement) plein de Lyonnais sont là. Je m’inscris et reçois ma fiche mission. Je fais partie de l’équipe n°2 avec Fred Delegue, Mowgli et 2 CRS.

Nous devons fouiller chaque coin et recoin, derrière chaque caillou et départ de galeries de la cote -250 à -500. Nous sommes à la recherche d’un spéléo rentré dans le Berger depuis 36h et dont on n’a pas de nouvelles, tout est possible!

On part avec une navette des pompiers (les matinaux n’ont pas droit à l’hélico), on se fait déposer à la Molière et c’est parti pour 1h de marche. 9h30 nous sommes à l’entrée du Berger et l’hélico se pose juste à côté de nous pour déposer 3 pompiers, ça énerve!!

9h50 on entre dans la cavité sans avoir dormi et pour longtemps on le sait. Pendant la descente on appelle, on fouille, on cherche dans tous les recoins du méandre mais rien. Arrivé a la base des puits (-250) c’est le début de notre mission, on retourne tout, cherchons dans chaque petit trou et on crie. Toujours rien. On arrive bredouille au bivouac de -500 vers 12h30 où l’on retrouve un CRS opérateur radio qui fait le lien entre les équipes du fond et le PC en surface. On voit défiler des équipes qui foncent pour fouiller le fond, plongeurs et spéléos. Pour nous c’est la pause mais nous sommes bien au chaud dans le bivouac, on attend notre prochaine mission dans le luxe. Nous profitons de tous les échanges radio, le temps passe mais la victime reste introuvable.

En fin d’après-midi, un message arrive, la victime est retrouvée vivante, blessée à la cheville à la cote -650, perdue dans un réseau d’explo. Notre nouvelle mission arrive, descendre à -650 pour aider à remonter la victime.

De -650 on porte, on tire on pousse la victime jusqu’au bivouac de -500, les médecins sont là. Une petite pause, les médecins font un bilan et soignent notre blessé. Et on repart mais cette fois avec une petite civière. On recommence, on porte on tire et on pousse. Un peu avant la base des puits, je suis cuit, des renforts sont arrivés, alors je commence à remonter. A la base des puits je croise Pef, Kévin, Audrey et plein d’autres qui prendront le relais pour la suite.

Une remontée bien laborieuse, chaque geste est fait à l’économie. Une fois sorti, il reste encore 1h de marche (toujours pas d’hélico). On arrive au PC, vendredi matin, il fait jour. Une assiette de riz et au lit.

TPST : longtemps, épuisement complet.

Bérengère :

Sortis du lit à 2h du matin, on arrive tous très inquiets vu les circonstances du déclenchement et on espère qu’il s’agit seulement d’un égarement, peut-être même en surface. Arrivés au PC, il y a un gros besoin puisqu’à notre arrivée ce sont Rémy Limagne et son fils qui assurent bien gentiment l’accueil. Ça tombe bien, on est venus pour cela ! Hélène intègre l’équipe gestion. On nous briefe rapidement notamment sur un certain Barnabé qui a fait des explos au Berger et qui est une ressource très stratégique dans cette phase recherche. Au début nous sommes toutes les 2 à l’accueil des sauveteurs et à la main courante d’accueil. Puis avec les premières communications le PC se met réellement en place avec le planning et la 2nde main courante opérationnelle de liaison avec le PCA (entrée du trou). On se répartit le travail. Il y a aussi tous les sauveteurs de la 3SI qui indiquent leurs disponibilités et tous ceux qu’il faut contacter, un sacré travail ! Les équipes à l’entrée du trou mettent la main sur le kit de la victime en surface qui contient ses affaires et ses clefs de voiture, plus de doute il n’est pas ressorti.

On fait partir des équipes de recherche notamment de plongeurs (une équipe est déjà sur place) et on nous demande également du renfort pour fouiller la partie gigantesque des éboulis. Les zones sont fouillées et la victime reste introuvable. De la rubalise est installée pour matérialiser les zones fouillées en barrant le secteur et ainsi éviter que des sauveteurs ne s’engagent par erreur dans un réseau annexe. Une information tombe au PC : des témoins indiquent qu’il a été observé pour la dernière fois vers les Coufinades et qu’il se dirigeait vers le fond et d’autres précisent ne plus l’avoir vu…

Le temps passe, on est à plus de 50 heures de temps passé sous terre, le moral est au plus bas. On ne le retrouve pas. Et puis par miracle à 17h le message tombe « il est retrouvé vivant avec une entorse dans la galerie des oubliés », quel soulagement immense ! Cette zone avait déjà été fouillée par une première équipe mais c’est grâce aux personnes ressources qui connaissent extrêmement bien le secteur que la victime a pu être localisée, dans une galerie de 300 mètres…

La victime sera portée le maximum possible, sans utilisation de civière, pour le début. Le médecin lui donnera de quoi calmer sa douleur. Et puis alors que les ateliers ont été conçu pour un passage sans civière, la stratégie d’évacuation évolue à partir de -250 pour un passage en civière et les ateliers sont donc modifiés.

Des équipes Evac arrivent pour remplacer ceux qui ont géré les fouilles et la première partie de la remontée de la victime / équipement. Les équipes sont épuisées et le but est d’éviter le sur-accident : l’inquiétude des CT à ces moments du secours. Ce n’est pas de trop ! Le passage du méandre prendra plusieurs heures… La victime sera finalement sortie le vendredi à 13h puis transportée directement par hélicoptère au CHU de Grenoble.

Les sauveteurs sont accueillis au PC avec un petit test médical sur leur état de forme et de quoi manger !

Le secours aura duré 37 heures, 155 spéléo mobilisés, 40 CRS, GRIMP et ADRASEC, un déploiement énorme. Cet élan de mobilisation et de solidarité ne fait que renforcer notre sentiment d’appartenance à la grande famille de la spéléo et ça réchauffe le cœur !

Temps passé à la surface : le même que d’habitude mais avec beaucoup moins de sommeil, beaucoup moins. L’adrénaline fait des miracles !

Kévin (et Audrey) :

Jeudi – 6h30, réveil normal pour une journée de boulot, je rallume mon téléphone. 2 messages, Bérengère et Nathalie. Ce n’est pas dans leurs habitudes d’appeler dans la nuit, les premières questions cheminent vers mon cerveau pas très réveillé. J’écoute et ça devient nettement plus clair, les deux messages concordent, le SSF69 et le SSF73 me demandent tous les deux si je suis dispo pour un éventuel secours au Berger… J’appelle mon chef pour le tenir au courant et lui demander son accord, il est OK, j’en informe mes 2 contacts (sans oublier de les informer respectivement de l’appel de l’autre).

Une longue période d’angoisse commence, que s’est-il passé ? Vais-je être mobilisé, à quelle heure ?

Du coup, arrivé au boulot, l’entrain pour s’y mettre n’est pas vraiment là, d’autant plus que mes collègues se demandent comment ça se passe, un secours, du coup, on cause pas mal autour de cette organisation solidaire qu’est le SSF.

10h30, nouveaux appels du SSF69, je suis mis en pré-alerte.

12h15, à la pause repas, je suis mis en alerte par le SSF73, RDV à 14h sur un parking pas loin de la maison. Je termine ma gamelle avec un lance-pierre et je rejoins Audrey à la maison, elle aussi a été mobilisée par le SSF73.

14h, on rejoint 3 autres Savoyards pour faire un convoi commun direction la caserne des pompiers de Seyssinet, pour un regroupement avant de monter à Méaudre. On échange les nouvelles, pas grand-chose n’a filtré, à part qu’on a un peu plus d’infos sur la victime (on sait au moins qui c’est), mais elle n’est toujours pas retrouvée.

15h, arrivée à la caserne, on retrouve 3 Savoyards supplémentaires et on apprend qu’on devra attendre (dans une salle climatisée, avec de l’eau à volonté, c’est déjà ça), le groupe de Hauts-Savoyards qui doivent nous rejoindre vers 16h, avant de monter tous ensemble au PC.

16h30, ceux de la Yaute ne sont toujours pas là, et toujours pas de nouvelles de la victime, la tension monte…

17h et des brouettes, grosse bonne nouvelle de la journée, la victime est localisée, vivante, et plutôt en bon état. Et ceux de la Yaute sont en fait déjà au PC, ils n’avaient pas eu l’info sur l’arrêt à Seyssinet.

Après les divers ordres et contre-ordres réglementaires, on décolle enfin direction le PC à Méaudre où on rejoint le groupe des sauveteurs. Il y en a de partout, des camions rouges, bleus, blancs, des voitures, du matos, des uniformes, des gens connus et inconnus, des frais et des moins frais…

Inscription, préparation, briefing, montage des équipes, attente, ravitaillement au food truck des pompiers, et enfin, l’ordre de départ. Le temps d’organiser tout ça, il est trop tard pour profiter de l’hélico, on monte donc dans les navettes direction La Molière. En cours de route, changement de programme, on aura en fait la chance d’avoir un transfert en Ventilateur entre le parking de la Molière et le PCA à l’entrée du Berger (on gagne une heure de marche, ce n’est pas du luxe, et la vue est sympa depuis là-haut).

20h30, on est à l’entrée du trou, plein d’équipes se préparent en même temps, et c’est chacun son tour d’être pointé avant de rentrer, la mécanique de la gestion est bien rodée.

Nos objectifs respectifs, pour l’équipe de Kévin l’équipement du puits Aldo pour une remontée sur balancier, mais en léger, on espère que la victime pourra remonter sans civière et nous aider pour les sorties de puits. L’équipe d’Audrey devra réinstaller un TPS à la cote -250, à la base des puits, puis partir au contact de la victime et de ses accompagnants à -500. Audrey restera comme opératrice radio au TPS.

Pendant la descente, on croise les équipes de recherche qui remontent, plus ou moins exténuées, et globalement contentes que la victime ait été retrouvée.

L’équipement du puits Aldo se fait rapidement, tous les spits nécessaires ont déjà été plantés lors des divers secours et exercices précédents.

On rejoint donc le TPS de la base des puits et toutes les équipes de renfort pour l’évacuation de la victime. Pour l’instant elle semble avancer plutôt bien, qu’en sera-t-il dans les puits ? On profite de l’attente pour monter un point chaud pour mettre la victime à l’abri le temps d’un autre bilan médical avant les puits.

L’attente commence, on récupère des informations par le TPS et par les équipes démobilisées qui remontent et informent au passage le PCA sur l’avancement. Ça y est, ça va être à nous, la victime arrive, on apprend qu’elle va sans doute finir son évacuation en civière. Qu’à cela ne tienne, chacun remonte peaufiner l’équipement de son atelier pour une évacuation civière. Nouvelle attente des équipes d’évacuation près du point chaud et dans le méandre suivant, le temps que tous les puits soient prêts.

Le top départ est enfin donné pour la suite de l’évacuation, et la remontée s’opère doucement, entre attente, gros moments de pression et d’activité, re-attente, dépassements de la civière dans les méandres, improvisation cadrée dans les passages difficiles, re-re-attente… le poncho, la doudoune et les bougies seront les outils les plus utilisés de cette longue nuit, bien avant les bloqueurs (en temps d’utilisation).

Vendredi – 15h, on sort du trou, on est parmi les derniers à sortir, grosse effervescence et soulagement, on retrouve la lumière et la chaleur. L’hélico fera quelques rotations de matériel et on repart à pied (mais relativement légers) en direction de La Molière pour récupérer les navettes des pompiers. Pendant l’attente des navettes (et pendant le trajet), plus d’un se fera happer par les profondeurs du sommeil après cette nuit blanche.

Arrivés au PC, la tension est bien redescendue, on est accueilli par l’équipe médicale qui s’assure que tout va bien pour nous, et on retrouve avec plaisir le camion food-truck rouge à gyrophare bleu pour nous restaurer.

Rangement du matos, au-revoir sous les premières gouttes de pluie (bon timing), et retour avec les yeux qui piquent (heureusement qu’on était 3 pour se relayer dans la voiture), bien contents d’avoir apporté notre pierre à cette grande « œuvre » collective.

19h Maison – Douche – Dodo…

TPAA (temps passé à attendre) : trop pour les nerfs

TPST : environ 18h

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